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JO TOURTIT
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JO TOURTIT
13 décembre 2007

AÏD EL KEBIR OU FÊTE DU MOUTON(عيد الكبير) - AZROU 1974

(Azrou – 1974 – Notre voyage de noces)

De ma fenêtre je vois les montagnes et le village à flanc de coteau baigné des couleurs du soleil couchant. Au loin, un gamin joue encore de la flûte. Ce bruit s'accorde merveilleusement avec le cadre rustique. Le chant du muezzin, porté par le vent, lui succède et sa prière passe par dessus les montagnes jusqu'au village proche. L'air est parfumé de senteurs boisées et de la fumée qui s'échappe des cheminées. Tout n'est que relief où les bleus se mélangent aux ocres. De ma promenade de ce matin, j'ai gardé un souvenir si fort que je peux vous narrer par le menu la vie d'une famille d'Azrou à la veille de l'Aïd el Kébir en 1974.

Promenez-vous donc avec moi et essayez d'imaginer, au travers des mots, les scènes, les couleurs, les senteurs d'une région qui est gravée à jamais dans mon coeur !

Très tôt ce matin Latifa est déjà à l'ouvrage, préparant les pains pour sa nichée. Elle prend son plus grand plat en terre et mélange la farine et l'eau prise à même la main dans une jarre, malaxant du poing énergiquement. Après avoir ajouté la levure et le sel, elle parachève son travail en donnant au pain sa forme définitive : rond et plat, décoré sobrement de ses doigts enfoncés dans la pâte, sorte de"marque de fabrique". Sa fille aînée, Mina, ira le porter au four du boulanger tout à l'heure quand il aura gonflé.

Ahmed, le maître de maison, se lève heureux car c'est fête ! Tous les villageois ont donné leurs chaussures à "retaper" pour la fête de l'Aïd El Kébir ("fête du mouton") commémorant la fin du Ramadan. Il a mis dans sa choukara une belle somme d'argent car il va au marché ce matin pour acheter le mouton vivant que son ami Saïd a gardé pour lui et qu'il va égorger demain matin en respectant les usages : couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers La Mecque. Après ses ablutions, il fait sa prière face à la Mecque et sort de son logis, descendant les ruelles encore silencieuses. Le soleil levant éclaire déjà les murs fraîchement peints à la chaux.

Latifa attendait cet instant pour réveiller les enfants. Ils sont cinq, agglutinés autour du kanoun dont les cendres sont encore chaudes. Ils se lèvent tels des somnambules. Elle donne quelques taloches pour faire "activer", sert le thé à la menthe avec le reste d'une kesra et distribue les tâches de chacun . L'aînée portera le pain à cuire, la cadette ira à la fontaine chercher de l'eau grâce à la "gourde" faite de chambres à air réchappées et cousues par son cordonnier de mari, quant à la plus jeune des filles, elle grimpera sur la colline et coupera à la hache du bois pour le feu. Pendant que les filles s'affairent, les garçons joueront dans la rue au cerceau avec une jante de vélo, leur jeu favori ! Cela consiste à la faire rouler en la poussant habilement avec un bâton (j'ai essayé ... ce n'est pas facile !).

Latifa se presse, elle doit aller laver son linge à la rivière au plus vite pour avoir la meilleure place : toujours plus haut, là où l'eau est limpide et non souillée par les lessives de ses voisines. Elle charge son panier sur sa tête et part en maugréant car elle entend la trompette de l'éboueur et voit la charrette tirée par l'âne chétif tourner le coin de la rue. "Mina,  Dria ! arté zbel." crie-t-elle à son aînée ! (Mina, vite ! donne les ordures).

1974_10_10_AZROU_LAVANDIERES

En chemin, Latifa pense qu'elle ira au cimetière avec les plus jeunes pour un hommage à sa mère, c'est la coutume en fin de Ramadan. Elle est heureuse car pour la fête, Ahmed son époux, lui a donné quelques billets pour acheter au village une djellaba neuve et des foulards multicolores pour les filles. Elle a marchandé un long moment pour faire quelques économies qu'elle réserve pour les temps difficiles...

Ces pensées agréables lui ont fait oublier la froideur de l'eau qui gerce ses doigts et les douleurs de son dos penché sur la rivière. Le linge est propre, le panier plus lourd de linge mouillé mais le pas est alerte pour le retour.

Mina l'appelle du sommet de la montagne, l'écho est clair : "Moui, Moui !...." (Maman, Maman !....) et lui fait un signe. Latifa pense à la lune qui, ce soir annoncera la fin de ses brûlures d'estomac. Elle s'assiéra en tailleur devant sa maison tout à l'heure, pour guetter cet instant tant attendu depuis un mois. Elle pense au demi mouton qu'elle débitera, gardant pour l'Aïd les gigots, morceaux de roi. Les côtelettes serviront à un tajine et elle fera des restes une délicieuse "conserve" en dépiautant de fines lamelles de viande qui acéreront dans l'huile et les épices dans la jarre qui lui vient de sa grand-mère, qui l'a donnée à sa mère qui l'a donnée à Latifa.

Toutes ces pensées gourmandes lui font venir un peu de salive à la bouche, le soleil est encore haut dans le ciel et elle ne pourra boire et manger que ce soir ! Sa vie est dure mais c'est une âme simple et dévouée aux siens.

Demain c'est la fête, demain sera un autre jour ! »

ELGARA_06_1978_Le_m_choui_est_empal__par_le_cul_pour_sa_cuisson___Yann_fascin______P_

Ce mouton est cuit en méchoui sur de la braise, un grand bâton enfoncé dans son corps pour mieux le faire tourné. Il y a toutes sortes de façon de le cuire et celle qui en fait un met de choix tendre et goûteux consiste à fabriquer un four où le mouton sera "enterré" et cuira dans la terre chauffée au charbon de bois à petit feu ... Photo JO 1978 - El Gara (Maroc).

« L'Aïd el Kebir, signifiant littéralement « la grande », est la fête musulmane la plus importante. Egalement appelée îd-al-adha « la fête du sacrifice », elle marque chaque année la fin du pélerinage à La Mecque et a lieu le 10 du mois de Dhou al Hija, dernier mois du calendrier musulman après waqfat Arafa ou station sur le Mont Arafat. Cette fête commémore la soumission d'Ibrahim à Dieu, lorsque le patriarche était prêt à sacrifier son fils aîné sur son ordre (Ismaël selon la tradition musulmane).

Chaque famille, dans la mesure de ses moyens, sacrifie un mouton, mais parfois d'autres animaux, notamment vaches et chèvres en l'égorgeant, couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers La Mecque.

Dans une partie de l'Afrique musulmane, dont le Mali, le Sénégal, le nord du Bénin, le Niger, le nord de la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, l'Aïd el Kebir est nommé la Tabaski. De même, chez les Berbères en Afrique du Nord, elle est appelée Tafaska. En Turquie, elle est appelée Kurban Bayram. » WIKIPEDIA

En 2007, elle aura lieu le 19 ou le 20 décembre.

Si quelque erreur s'était glissée dans mon récit, je vous prie de bien vouloir m'en excuser et de la corriger en m'envoyant un email. Merci.

Meilleurs voeux à tous et toutes !

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Commentaires
A
Tres jolies photos bien presentees avec de bons souvenirs.<br /> <br /> Je vous serai tres reconnaissant de repondre a mes questions concernat la photo prise a Egara 1978 d'un monsieur entarin de cuire un moutin vec un baton y enfonce.<br /> <br /> - Comment vous avez choisi de visiter ElGara? avec qui et a quelle occasion?<br /> <br /> - Pouvez vous me donner les noms des personnes dans cette photo (Celui qui tient le baton, le Monsieur debout et eventuellement e garcon? <br /> <br /> - E comment cette photo a ete prise et a quee occasion?<br /> <br /> - Beacoup apprecie si vous m'enverrez d'autres photos d'Elgara prises dans la meme occasion<br /> <br /> - Avec votre permission nous voulons bien es publiees dans un Facebook group: الالـڭارة زمان * elgaraweb toute en mentionnant votre nom. mon email is arabcommunitysa@gmail.com or habibrsa@hotmail.com
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D
si joliment écrit ... un plaisir de te lire !
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M
De jolis souvenirs, agréables à lire pour nous. Les photos sont bien jolies.<br /> Bon week-end et gros bisous
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P
Ce sont de beaux souvenirs racontés avec talent.Pour mon mariage, ma belle-mère était venue du Liban, a logé chez-nous, et nous l'avons baladé dans la région, il faut reconnaitre qu'un voyage de noces avec sa belle mère c'est original!!!
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C
rien que le mot me fait saliver, qu'est-ce que c'est bon ! Bisous
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