L'AQUEDUC (BEAL) DU GAPEAU AUX ARQUETS - LA CRAU
Voilà bien longtemps que je rêvais de photographier le Béal du Gapeau à La Crau par temps "bleu" ! L'occasion m'en a été donnée ce jour là et j'en suis ravie. Nous passions toujours le long de l'aqueduc grillagé depuis quelques années et n'avions pas le temps de nous arrêter !
La plaine de La Crau est un endroit privilégié pour les cultures. Voyez plutôt :
Le magnifique panorama de la plaine de La Crau sur fond de Coudon avec ses champs d'artichauts, de fèves, .....
C'est l'édification du réseau d'irrigation complexe du Béal , avec sa prise d'eau sur le Gapeau, à partir du XIVe siècle, qui vit se développer le terroir actuel, au centre de la plaine.
"Le Gapeau prend sa source à Signes. Coulant dans le Var, à l'est de Toulon, le Gapeau est mal connu de tous, même des riverains. Il parcourt 47,5 kilomètres. Il prend sa source au pied du massif de la Sainte-Baume, puis il file à travers un étroit couloir, la haute-vallée, jusqu'à Solliès-Pont. S'ouvre ensuite la basse vallée : le Gapeau traverse une plaine agricole qui s'étire de Toulon au Luc, il suit les versants ouest du massif des Maures, et trouve finalement son embouchure aux Salins d'Hyères, non loin de la presqu'île de Giens."
Le texte trouvé ICI explique fort bien les étapes de sa construction qu'il est très intéressant de suivre. En voici quelques extraits que je vais étayer de photos au fil du reportage.
Je remercie l'auteur de ce site tout particulièrement car il m'a éclairé sur bon nombre de points.
Suivons l'aqueduc (BEAL)
L'écluse à La Crau
Le Béal aux Arquets (La Crau)
Le Béal, long d’environ 8 Km, large d’une canne au fond, creusé au départ dans la terre, fut réellement terminé et bâti en pierre et mortier à la chaux en 1632. Il traverse la ville de La Crau et était fort apprécié des lavandières appelées les « bugadières.
Les bugadières faisaient leur lessive dans le Béal
Le Béal avec ses contreforts au quartier des Arquets. Le dessus des parois du canal sont à plus de 3m du sol.
"SON
HISTOIRE
Certains d'entre vous ont probablement entendu parlé du "Canal Jean Natte" ou "du Béal" , d'autres ont aperçu ce canal sur certaines parties de son tronçon et se sont demandé à quoi il pouvait bien servir......aujourd'hui .... comme hier d'ailleurs !
Pour reprendre le fil de son histoire, nous devons remonter..."à la fin du Moyen âge".
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La naissance du projet
En effet c'est vers 1455 (période de Charles le Téméraire), que Louis Rodulph de LIMANS, citoyen d'HIERES, imagine de détourner partiellement les eaux du Gapeau afin de les conduire "jusque dans la ville", au pied de ses murailles. L'objectif est de faire tourner des moulins à grains et d'avoir de l'eau pour les différents besoins de la population.
Lors d'un voyage dans le village du LUC, il fait connaissance de Jean NATTE (qui est ingénieur civil) et il lui expose son projet. Après étude de la topographie des lieux, celui-ci pense que la mission est réalisable. Le projet semble hasardeux pour l'époque, car il s'agit de créer un bras artificiel du Gapeau, débutant dans le quartier rocailleux de La Crau, de lui faire contourner le Mont Fenouillet par l'Ouest en traversant les terres incultes situées à l'Ouest de la ville d'Hyères.
Cependant, le conseil de la communauté de la ville,
"peu clairvoyant", trouve le projet inexécutable. Il est
en fait persuadé qu'il est impossible d'amener l'eau de si loin
d'Hyères.
Malgré la risée de leurs compatriotes et les
difficultés qu'une telle tâche représente, tenacement, Louis
Rodulph de LIMANS et Jean NATTE persistent dans leur vue et
s'adressent directement au Roi René qui leurs accorde aussitôt son
assentiment. Ordre est donc donné à la communauté d'Hières de
prendre en considération ce projet.
Bernard de ABISSO, capitaine et viguier de la cour royale d'Hières réunit le 27 décembre 1458 un conseil général extraordinaire de la communauté en présence d'une foule nombreuse. Après exposition des faits en langue romane (vieux provençal), Louis Rodulph de LIMANS et Jean NATTE décrivent et argumentent les différents aspects de l'entreprise à réaliser. Enthousiaste et quasi unanimement chacun est d'avis pour reconnaître le bien-fondé du projet.
Le viguier souscrit entièrement aux voeux de la majorité et propose de conclure une convention avec le maître d'oeuvre et propose Jean Natte comme conducteur de l'eau. Les représentants de la communauté s'inclinent devant l'assentiment vicaral... C'est gagné !!!
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La convention
…...
La transaction est passée entre la communauté d'Hières et Jean
Natte sous forme d'une convention.
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La construction du canal
En 1459, dans un premier temps, l'écluse située à l'origine du canal, est construite en bois sur piétement en pierre. Elle détermine le point de départ du béal.
Initialement le canal est creusé directement dans la terre comme un "ruisseau" dans les parties en déblais. Son tracé suit donc les courbes de niveau du terrain en faisant les sinuosités correspondantes.
Le canal
a les caractéristiques suivantes :
-- Son
origine se situe vers le Domaine de La Castille à l'intersection des
limites des communes de La Crau, La Farlède, Solliès-Ville et
Solliès-Pont).
...
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une longueur de 9367m ( de l'écluse jusqu'aux 1er moulin) pour une
largeur de de 2,00m et 1,20m de hauteur env. (certains tronçons font
2,50m x 1,00m env.)
-- Sa pente n'est que de 2,34m sur l'ensemble
de son parcours pour arriver jusqu'au moulin d'Intré soit environ 2
mm / 10 mètres ...... pour l'époque cela nous semble être un
exploit ("Pages d'histoire d'Hyères" écrit par Gustave
Roux)....
Sur tout son parcours les riverains doivent une servitude de passage de 2,00m de part et d'autre du canal afin de permettre son entretien régulier.
Il semble que le canal soit mis en eau par tronçon au fur et à mesure de l'avancement des travaux, car ..... ils finiront par durer presque 20 ans (au lieu de 2 initialement prévus). Le radier du canal est initialement, simplement constitué de terre damée.
Lorsque l'eau arrive enfin à Hyères vers 1480, Jean NATTE meurt et c'est son fils Pierre qui prend le relais. Il aura donc fallu 20 ans pour que l'eau arrive à Hières; mais les moulins ne sont pas encore construits. Dans la ville les habitants s'impatientent car la mouture se pratique toujours aux moulins de La Roquette, Premier et Second.
Pierre Natte commence alors à avoir des difficultés financières pour terminer l'oeuvre de son père. Il partage alors la propriété des moulins avec Louis Rodulph de LIMANS. L'acte d'association est rédigé le 31 janvier 1486 .
-- Pierre cède 50% du futur bénéfice des moulins,
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Louis doit notamment construire deux maisons pouvant acceuillir
chacune un moulin. Il décède vers 1487-1488. Ses héritiers sont
Catherine d'Anjou et ses fils.
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Les moulins
Après tout ces problèmes financiers les trois moulins à blé sont enfin terminés vers 1489-1490 et peuvent commencer à travailler. Il aura donc fallu 30 ans pour que les moulins tournent enfin !
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L'eau domestique
L'eau du Béal est également utilisée pour les besoins domestiques et la boisson après quelquefois une filtration sommaire. Une eau "claire" est alors considérée comme "potable". Pourtant ce canal à ciel ouvert sur tout son tronçon reçoit sur son parcours bien des objets sources de pollution !
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L'eau d'arrosage et sa règlementation
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Comment on en arrive à la "règlementation"
Le Béal permet de mettre en valeur les terres jadis inexploités qui se trouvent sur son parcours. Au fil des années les surfaces cultivées augmentent rapidement .... et les besoins en eau aussi.
Pour l'arrosage et le fonctionnement des moulins, il a toujours existé des règles strictes sur les jours et heures où chacun avait droit "à son eau".
Vers
1526, un "béalier" est nommé afin
de faire respecter les règles d'arrosage sur le parcours du canal.
Mais les tentations sont grandes et "la guerre de l'eau" commence alors entre les "ayants droits", ceux qui réalisent sur le canal des prises illégales et les moulins qui a certaines périodes ne voit plus arriver l'eau pour faire tourner leur mécanisme. Un courrier du 21 août 1740 fait état d'un manque de pain dans la ville ..... car le manque d'eau a empêché le fonctionnement des moulins .... qui n'ont pu moudre le blé .... et les boulangers n'ont plus eu de farine pour faire le pain.
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Principe de la règlementation
Face à ces litiges, au fil des années et...... des siècles, un certain nombre de règlements d'arrosage seront élaborés afin de définir "qui a droit à l'eau"!
"quel
jour, quelle heure et pendant combien de temps".
En 1845, une nouvelle notion est introduite ; celle de faire payer aux ayants droit une taxe proportionnelle aux espanciers.
Avis
de presse du journal LE PETIT VAR du 20/08/1943
relatif aux heures
d'arrosage sur le Béal pour LA CRAU - (zoom)
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Les modifications du canal
Des
travaux sont entrepris entre 1630 et 1632,
afin d'augmenter le rendement du canal.
-- Une nouvelle écluse est construite en maçonnerie en remplacement de celle en bois, pourrie par l'humidité, fixée sur piétement en pierre .
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certaines sinuosités sont supprimés, notamment au quartier des
Arquets.
Ce changement de parcours conduira à des litiges ultérieurs, car
certaines propriétés "arrosables" initialement ne le
seront plus, suite au changement de tracé.
Il est à noter qu'au quartier des "Arquets" le radier du Béal se situe à environ 2,00m au dessus du terrain naturel et qu'il repose sur des "arches" (Arquets) sur plusieurs centaines de mètres. Aujourd'hui, des remblais au pied du canal les masquent pratiquement toutes.
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Les parois sont alors réalisées en maçonnerie et des contreforts
renforcent l'ouvrage lorsqu'il n'est pas enterré,
-- Un radier
est mis en place sur tout le parcours. Une chape en ciment permet
ultérieurement d'augmenter le débit d'eau qui arrive aux moulins.
Le radier du canal est à plus de 2m du sol posé sur ses arches qui ont données le nom du lieu-dit : "arquets"
-- Les lavoirs publics et privés sont aménagés tout le long du Béal. ...
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Le débit du canal
Un
rapport de 1843 (période de Louis Philippe), indique que le canal a
un débit de 306 litres/s. Il arrose 325 ha (soit 770m3/semaine /ha).
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La propriété du Béal
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En 1866
Le
05/05/1866, (période de Napoléon 3), les communes de La Crau (1/5)
et d'Hyères (4/5) deviennent co-propriétaires du canal et de
l'écluse, elles doivent entretenir et curer le Béal.
** Les siphons (Il est utilisé pour assurer la continuité d'un aqueduc dans la traversée d'une vallée, d'une route ou d'un chemin et évite la construction d'un ouvrage d'art).
Le Béal verra son aspect et son profil changer au cours des siècles, avec la création de "parties couvertes" et de "siphons" qui permirent à La Crau :
-- la construction de maisons en bordure ouest de l'avenue Général De Gaulle (partie couverte entre le carrefour principal et le Bd. de La République)
-- la percée du Bd. de La République (siphon),
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l'accés à la nouvelle école primaire Jean Giono (siphon),
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la création du rond point des Arquets (siphon) =
Le rond-point des Arquets
Sur la commune d'Hyères, le Béal a une longueur de 6000m dont 2500m en milieu urbain (2000m sont couverts et 500m sont visibles).
Le Béal à Hyères
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Les canaux secondaires, tertiaires .....
Au fil du temps, des canaux secondaires se développeront jusqu'à l'Eygoutier (à La Crau, vers Toulon via le Pradet ) et jusqu'au Roubaud vers la mer (à Hyères) en créant ainsi une vraie "toile d'araignée hydraulique" qui perdure encore en grande partie aujourd'hui....."
** Le Béal ....et la pluie ... et les déchets !!!
Grille qui bloque les divers objets flottants
A présent, baladons-nous en toute connaissance de cause dans le JARDIN DE L'EUROPE à LA CRAU =
Je n'avais pas prévu cela et mes chaussures à talons s'enfonçaient dans la boue du chemin ... mais qu'importait, le lieu était si beau :
Il était encore tôt et les brumes matinales ne s'étaient pas dissipées sur les Monts Faron (à gauche) et Coudon (à droite).
Au loin, une belle bâtisse pointait ses tours recouvertes de tuiles ...
Zoom immédiat ...
Tour d'évent de la conduite de la Monache qui est en parallèle au canal du Béal
De nombreux figuiers aux racines tortueuses étaient sévèrement taillés mais d'autres s'épanouissaient allègrement me permettant une escale gourmande :
Ces arbres poussent partout !
Un peu plus loin, un magnifique ginkgo biloba bruissait doucement au vent ...
'3Cfont sixe="3">Encore un peu tôt pour que ses feuilles jaunes illuminent le paysage ...
Les feuillage roux d'un hêtre (fagus) apportait un joli contraste ...
Un magnolia Grandiflora aux cosses gorgées de graines ombrait l'herbe folle ...
Un palmier dattier était si chargé de fruits que ses branches étaient prêtes à se rompre ...
Le bleu de la chicorée épineuse ou Cichorium spinosum s'accordait avec le ciel ...
Et cette jolie feuille rousse me rappelait que nous étions bien en automne car, pour un temps, je l'avais oublié !
Un dernier zoom sur les vieilles serres sur fond de Mont Fenouillet et je regagnais mes pénates, ravie de ma balade d'apprenti reporter.